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Pourquoi il est (déjà) urgent de casser la saison 2020-21 du Top 14

Elle est attendue depuis le 13 mars, elle suscite les passions et les attentes d’un renouveau et elle arrive dans trois jours. Elle, c’est la reprise du sacro-saint Top 14. Privé de championnat de France depuis maintenant six mois, les « fadas » de rugby sont en manque de leur drogue ovale. Mais pour le Sport, le jeu, l’équité, la rentrée de l’Élite ne rendrait aucun service à ses acteurs. Sauf si les plans initiaux volent en l’air.

Clermont est parvenu à arracher une dérogation pour faire jouer ASM – Toulouse, le dimanche 6 septembre au stade Marcel-Michelin, devant 10 000 spectateurs (contre 5 000 normalement autorisés par la loi). Problème, le Stade Toulousain compterait trois joueurs positifs au COVID-19. À trois heures et demi en train de la métropole des Arvernes, la rencontre Stade Français – Bordeaux-Bègles est reportée. La raison ? Selon la LNR, les Roses « sont dans l’incapacité d’aligner […] le nombre requis de joueurs de première ligne », eux aussi atteints du virus. La reprise du Top 14 n’est pas encore proclamée que l’incertitude domine largement les débats, jour après jour. Si la superpuissance logistique américaine a permis à la NBA de boucler sa saison et que le ballon rond est parvenu à limiter la casse, leur cousin ovale lui, semble déjà à l’agonie.

Non, le championnat de France n’est pas sous respirateur artificiel, du moins à ce jour. 369 matchs sont à jouer entre le 5 septembre et le 26 juin 2021, date à laquelle un champion sera couronné. Mais quel champion ? Celui qui n’aura joué qu’une quinzaine de matchs en saison régulière ? Avec quel effectif ? Face à quel état de forme de ses adversaires ? Entre matchs internationaux et reports dus au COVID-19, comment la Ligue Nationale de Rugby peut-elle espérer faire rentrer 100 % de ses rencontres avant l’été prochain ? Loin de l’envie d’assombrir un tableau encore neutre, ces questions ont une raison d’être posées, la Raison elle-même. Si les supporters sont habitués aux fameuses « impasses » calculées de leurs équipes respectives, la saison 2020-21 se lève comme une impasse continue… pourtant capitale pour l’économie des quatorze clubs du championnat. Pour résumer la pensée de la grande majorité des présidents à l’heure actuelle : « ce qu’on peut prendre… on prend ! », en terme de dérogations, maigres recettes des billetteries, exposition sur les ondes de Canal+ etc. Raccourcir ou prolonger la saison ? Concentrer les rencontres en une ou plusieurs villes ? Il y a urgence, urgence de modifier la saison 2020-21 du Top 14. L’EPCR n’a pas attendu pour casser les codes de la Coupe d’Europe, édition COVID-19.

Montpellier – Pau ouvrira le grand bal du rugby français, ce vendredi. Et comme à chaque bal, on sait à quelle heure on y rentre, jamais l’heure à laquelle on en ressort. C’est aussi cela, le charme du rugby.

Source image : Vincent Michel / Icon Sport

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Dans quel état retrouvera-t-on la Champions Cup ?

Dans un peu plus d’un mois, le gotha de l’Europe du rugby se réunira pour disputer les phases finales de la Champions Cup, édition 2019-20. Effectifs chamboulés, préparation modifiée, décision contestée, la Coupe d’Europe reprendra ses droits le 19 septembre, en priant pour que son champion ne soit pas, lui aussi, mis sous un astérisque.

Cela fait trois semaines que l’EPCR, organisateur de la compétition européenne, a annoncé que les quarts de finale de la Champions Cup auraient bel et bien lieu. Entre satisfactions et soufflements de dépit et d’absurdité, les avis se plaquent entre eux. Mais à ce petit jeu-là, la balance penche pour l’instant vers le scepticisme. Premier argument avancé dans la mêlée, celui des effectifs. Si reprise et fin de saison 2019-20 il y aura, elle se fera avec les groupes estampillés… 2020-21. Une hérésie pour certains aujourd’hui, et pour les autres (?) dans un futur proche. Les moindres points marqués par des recrues seront instantanément sujet à débat, encore plus pour des matchs de cette importance. Imaginez donc Sébastien Bézy, néo-clermontois, marquer un essai face à Toulouse en finale. De quoi anesthésier la place du Capitole et susciter la furie de la ville rose. Point positif malgré tout, les clubs devraient sauf coup de griffe du chat noir appelé COVID-19, disposer de toutes leurs forces. Car depuis le mois de mars, période de suspension de la saison, chaque joueur n’attend que de refouler l’herbe verte des prés nationaux et européens. Mais dans quel état ?

Programme des quarts de finale de la Champions Cup 2019-20 / Twitter @ChampionsCup_FR

Comme la planète entière, le monde du rugby s’est enlisé dans la pandémie, laissant planer une menace continue sur les clubs et la préparation de leurs joueurs. Il suffit d’un exemple criant pour constater les conséquences. Le LOU doit revoir tout ses plans de préparation en raison de la contraction du virus par trois de ses joueurs. Si ces cas positifs interviennent en amont de la reprise de la compétition, qu’en sera-t-il lorsque les chevaux seront prêts à être lancés dans la bataille européenne, pour des matchs couperets ? Malgré cette épée de Damoclès au-dessus de chaque club, les dates des quarts de finale européens (19-20 septembre) sont à l’avantage des Celtes et des Britanniques. La Premiership fait sa rentrée dès le 14 août, le Pro 14 une semaine plus tard, pour finir l’édition 2019-20 des championnats. À plus d’un mois des échéances continentales, Exeter, Northampton, les Saracens, l’Ulster et le Leinster devraient arriver en parfaite condition au 19 septembre. Côté français, il faudra être en forme vite, très vite. Le Top 14 démarre la saison 2020-21 le 4 septembre, soit deux semaines avant les quarts de finale de la Coupe d’Europe. Clermont, le Racing et Toulouse, représentants français dans la compétition, arriveront devant la scène avec seulement deux matchs de championnat dans les cannes. Suffisant ? Impossible à déterminer, mais ce n’est certainement pas la meilleure préparation à une consécration européenne plus incertaine que jamais.

Quoi qu’il arrive, à l’issue de la compétition, une étoile s’ajoutera à l’une des huit équipes aujourd’hui en lice pour être sur le toit de l’Europe. Peut-être moins brillante que les années passées, sa valeur restera intacte, surtout si un club vierge s’empare du trophée. Un affrontement fratricide entre Clermontois et Racingmen, un combat de titans entre les Sarries et les Blues du Leinster sont déjà au programme des quarts, et personne ne veut voir le spectacle ruiné.

Source image : Icon Sport

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3 joueurs du LOU positifs au COVID-19 : alerte rouge sur le Top 14

Traditionnellement, le début du mois d’août pose ses sourires sur les vacanciers allongés sur le sable, et sur ceux des joueurs de rugby, désireux de retrouver les terrains. Cette année, le 1er août résonne avec plus d’inquiétude que jamais. Le LOU vient d’enregistrer trois cas positifs au COVID-19, une nouvelle qui étouffe encore un peu plus le monde du rugby.

L’information est tombée directement sur le site Internet du club, avec comme seules informations, des cas asymptomatiques et placés en quatorzaine. Si aucun nom n’a fuité par respect du secret médical, le Top 14 voit donc aujourd’hui ses trois premiers pensionnaires testés positifs au virus. A Lyon, les mesures de sécurité ont été prises instantanément avec l’annulation d’un stage au Chambon-sur-Lignon, prévu la semaine prochaine. A un mois de la reprise du championnat (le 4 septembre), la Meute devrait sans aucun doute revoir ses plans de préparation, à la fois physique et psychologique. Les Lyonnais ont repris l’entraînement début juin, et devaient entamer leur dernier bloc de répétitions tout le mois d’août avec notamment deux matchs amicaux face au Racing 92 et Clermont prévus deux semaines avant la reprise officielle du Top 14.

Mais dans quel état les Loups de Pierre Mignoni seront-ils prêts à chasser leur proie en septembre ? Si le recrutement a été bâti pour faire du club un Grand Lyon dans la continuité des dernières saisons, la contraction du COVID-19 par trois de ses joueurs ne fait rire personne. Elle rappelle surtout que le Top 14 est tout sauf immunisé face au virus de toutes les peurs. Il est même assez peu probable que le LOU soit le seul club frappé par ce dernier, dans les jours et semaines à venir. Premiers cas, et première alerte donc, envoyée aux treize clubs du Top 14 dont la vigilance et la prévention devraient, ou plutôt devront, redoubler dans ce dernier virage avant la saison 2020-21. Première alerte aussi envoyée à destination de la Ligue, qui s’était déjà attachée à réaliser un protocole spécifique, au début du mois de juin, concernant les retours à l’entraînement des clubs. Car dans un scénario apocalyptique, quid du déroulement de la saison si les cas positifs s’accéléraient au sein des effectifs du championnat ? Comment faire jouer des matchs entre des équipes sans le même niveau de préparation ? Pour l’instant, aucune de ces interrogations n’a heureusement le mérite d’être posée. Elles ne devront jamais être posées.

Lyon est aujourd’hui secoué par l’annonce de trois joueurs testés positifs au COVID-19. Changements de plan, interrogations, sécurité, tout y passe pour passer au mieux cet adversaire. Un adversaire que l’on a jamais autant détesté.

Source texte : site Internet du LOU Rugby

Source image : Le Figaro.fr Sport 24

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Sébastien Bézy s’entraîne déjà à Clermont : voici l’étape 1 du chemin vers le Brennus 2021 pour l’ASM

Telle une fouine, Sébastien Bézy est arrivé à Clermont par surprise et avec discrétion. Privés d’entraînements publics depuis le 13 mars, date de la suspension de la saison de Top 14. Une suspension puis un arrêt définitif du meilleur championnat du monde a donc permis a certaines recrues de rejoindre leur nouveau club.

Habituellement calme sur le marché des transferts, l’ASM a ouvert les vannes pour la saison 2020-21. Sept nouvelles têtes débarquent dans la région des Volcans, avec comme principales têtes de gondole, Kotaro Matsushima et Sébastien Bézy. Si le Japonais est toujours retenu au pays du Soleil Levant, le demi de mêlée est lui bien arrivé au pied du Puy-de-Dôme… avec deux semaines d’avance. Cela fait partie des surprises qui donnent le sourire aux supporters d’un club. Par une photo dévoilée sur le compte Twitter de l’ASM, les fans de Clermont ont pu découvrir que leur nouveau numéro neuf était visiblement motivé de rejoindre au plus vite les jaune et bleu. Encore plus dans les conditions si spéciales liées à la pandémie du COVID-19. Les entraînements ne se déroulent que par petits groupes de 6 ou 7 joueurs. Alors forcément, cela ne fait pas de mal de se pointer en avance. Pour L’Équipe et Sports Auvergne, Sébastien Bézy livre ses premières impressions et a déjà hâte d’en découdre.

« Dès qu’on a su que la saison 2019-2020 était terminée, je me suis dit que c’était fini avec le Stade. Même si j’y ai passé pas mal de temps, je préférais ne pas attendre. Franck (Azéma) m’a alors proposé de venir plus tôt et ça me convenait. Et comme les deux clubs s’entendent bien, Toulouse a accepté !

J’étais à l’aise à Toulouse. Ici, j’arrive sur la pointe des pieds. Parce que j’ai tout à découvrir. Cela se fera petit à petit. »

Il faut dire que l’international français a passé quatorze saisons sur les bords de la Garonne. Mais à 28 ans, et derrière un Antoine Dupont titulaire, Sébastien Bézy avait besoin d’un nouveau défi. Et quoi de mieux que d’essayer de gagner un titre avec Clermont ? Solide au poste de demi de mêlée en l’absence d’Antoine Dupont sur la saison entière ou presque, l’ancien Toulousain a su nous livrer des grosses prestations dans son style caractéristique. De la vitesse, du jeu au pied précis, de la vivacité, bref tout ce qu’il faut pour faire avancer un cador du championnat et mettre sur orbite ses arrières. Un profil que possédait déjà l’ASM avec l’expérimenté Greig Laidlaw. Mais à 34 ans, l’Écossais n’a pas été conservé par le club, désireux d’apporter encore plus de vitesse au poste de numéro neuf, et surtout de proposer un profil différent du patron de l’équipe, Morgan Parra. Car Bézy n’arrive pas dans un gros fauteuil vide à la place de demi de mêlée. Avec Parra, Sébastien Bézy connaîtra une autre concurrence, plus expérimentée qui le fera certainement progresser notamment dans le domaine du jeu au pied et d’un neuf chef de sa meute d’avants.

« Au niveau de la stratégie de jeu, il arrive bien à mener ses hommes. Sur le jeu au pied, il sait quand taper, toujours au meilleur moment. Il est capable de petits coups qui font avancer l’équipe.« 

Clermont mise gros sur ce dossier, et espère voir le meilleur de Sébastien Bézy. Si le duo Parra – Bézy marche bien avec une concurrence saine, la concurrence devrait pleurer face à la gestion magistrale du premier et la vitesse du second.

Avec une reprise du championnat, évoquée au 4 septembre par la Ligue Nationale de Rugby, le demi de mêlée ne veut pas décevoir ses futurs supporters. On entend déjà les aficionados du stade Marcel-Michelin rugir après une percée de leur nouveau poulain, mais pour l’heure, du physique sans ballon attend la nouvelle recrue pour encore pas mal de semaines. Allez, ça laisse le temps de faire trois ou quatre footings au sommet du Puy-de-Dôme.

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Flashback 2010 : Clermont devient champion de France, c’était bien sympa de donner 10 titres

Clermont c’est comme le méchant de James Bond : le scénario change mais la fin reste la même, il perd. Terrorisée à l’idée de gagner un titre de champion de France pendant presque un siècle, l’ASM se la joue rebelle et découvre l’extase d’une première fois le 29 mai 2010. C’était il y a dix ans.

Normalement, personne n’est assez fou pour avoir envie d’aller une quatrième fois en finale de Top 14 après trois défaites d’affilée. Et bien Clermont aime ça visiblement. Autour de Vern Cotter, la fatigue mentale et physique commence à user les plus anciens du groupe. Alexandre Audebert, Julien Bonnaire, Thibault Privat sentent peut-être qu’ils ont laissé passer leur dernière chance de sacre face à Perpignan en juin 2009. Pierre Mignoni, taulier du groupe est parti à Toulon, il faut un déclic, de la fraîcheur, pour retourner au combat. Pas de stars mais un tout jeune espoir en la personne de Morgan Parra qui débarque depuis Bourgoin avec ses vingt ans mais sans pression. Effectif stable, staff inchangé, allez on retourne à la bataille. Parra s’installe déjà au poste de numéro 9 et harangue son pack vieillissant comme un caporal sur ses recrues. Le gamin est en plus bon buteur, décidément, quelle insolence. Habituée à être première ou seconde du Top 14, l’ASM livre quelques prestations décevantes et lâche des points, mais fait le travail quand il est nécessaire. En finissant 3e, Clermont n’est pas encore en demi-finales. La saison 2009-10 est la première saison des barrages. Une belle invention n’est-ce pas ? Face au Racing, promu cette année-là, l’ASM a tout à perdre.

Chabal, Nallet, Steyn… Ce Racing-là n’a rien d’un promu classique et à tout d’un match piège. Surprise, c’est le cas. Domination outrageuse mais stérile de Clermont en première mi-temps, la sanction tombe à deux minutes du retour aux vestiaires : essai des Ciel et Blanc. Le Racing entame la seconde mi-temps avec un point de retard (6-5) mais est déchaîné face à des Jaunards amorphes déjà sans solution à la reprise. 62e minute, François Steyn croit avoir démolit les espoirs des supporters du stade Marcel-Michelin en claquant un drop de 55 mètres. 12-17, ça pique. Mais Morgan Parra se la joue chevalier héroïque. Il provoque une faute, puis un carton jaune sur Santiago Dellape, et fait péter un plomb à Pierre Berbizier, Simmon Manix et tout le club du Racing, en passant une pénalité au-dessus du poteau, à moitié à côté. 15-17, les Ciel et Blanc ont craqué mentalement et laisseront Parra planter deux coups de poignards pour envoyer la clique de Jonathan Wisniewski en vacances. Quand on vous dit que l’ASM avait tout à perdre. Finalement ça passe, quatrième demi-finale d’affilée pour Clermont, direction Saint-Étienne pour y affronter Toulon. Épique, héroïque, fabuleux, ce match est un film à lui tout seul : essai non-valable de Zirakashvili, Aurélien Rougerie prend un K.O de l’espace et ne se relève sans rien, Jonny Wilkinson enchaîne les pions pendant que Sonny Bill Williams est en mode All Blacks. 22-12 à dix minutes de la fin pour Clermont, c’est donc très logiquement que les Varois reviennent à 22-22. Les vieux démons reviennent et tout le monde se met à croire que Clermont sera encore trop court. Mais les Jaunards trouvent la blague tellement drôle qu’ils la refont en prolongations. Brock James s’amuse avec le vent et assène un drop des abysses pendant que Julien Malzieu traverse tout Saint-Étienne après un coup de pied de mammouth et aplati devant la tribune rouge et noire. 13 points d’avance, il reste six minutes à jouer. Ben non ? Ben si. Toulon revient encore et finit fort, la finale leur échappe d’un mètre après un plaquage du bout du monde de Gonzalo Canale à une minute de la fin. Clermont est sauvé et peut aller défendre sa place de finaliste éternel face à l’USAP.

Pour la première fois en 110 éditions de championnats de France, Clermont maîtrise la finale de A à Z. Pragmatiques, appliqués, infranchissables en défense, Jérôme Porical qui flanche au pied, Anthony Floch qui lâche un drop de 40 mètres, rien ne peut échapper à l’ASM. Sans trouille au ventre, les Clermontois découpent tout ce qui est Sang et Or jusqu’à la dernière action du match où même à 19-6, les hommes de Jacques Brunel sont torpillés jusque dans leur en-but. C’est fini, Clermont a son Graal. Toute l’Auvergne en larmes de joie, chacun savait que c’était l’année ou jamais. Désinhibée et affamée comme jamais, l’ASM fait de la finale 2010 son meilleur match des phases finales. Comme quoi, tout arrive.

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FOCUS – Paris sous réanimation mais toujours vivant

Et si le Covid-19 avait sauvé le Stade Français ? Plus gros budget du Top 14 (40 millions d’euros) le club de la capitale était en alerte rouge depuis le début de saison. Les Stadistes ont passé quinze journées sur dix-sept dans la zone de relégation, et sont aujourd’hui bons derniers du championnat. Entre démissions et déclarations fracassantes, la saison a été rude pour les rose et bleu. Mais après l’annonce du maintien des quatorze clubs pour la saison prochaine, Paris peut respirer.

A l’aube de la saison 2019-2020, le recrutement n’a pas été à la hauteur d’un porte-feuille aussi rempli que celui du Stade Français. Pas de stars sur les bords de la Seine malgré la volonté du président Hans-Peter Wild d’être « le club de rugby le plus passionnant au monde » et « à long terme un des meilleurs clubs mondiaux, comme en football le Real Madrid, le Bayern Munich ou le Manchester United ». Pour l’heure, Paris s’est plus rapproché du Toulouse Football Club que des madrilènes. Dans un championnat toujours plus relevé, les effectifs doivent être toujours plus structurés, améliorés, exploités à leur plein potentiel. Le lien de ces trois composantes est évidemment la constance. Rares sont les clubs qui parviennent à s’élever d’une année à l’autre, en surfant sur des vagues de recrutement de joueurs de seconde zone. Bingo. Quatorze arrivées pour douze départs, qui eux, ont laissé un vide au stade Jean-Bouin. Sergio Parisse, Djibril Camara, Morne Steyn, Alexandre Flanquart pour ne citer qu’eux ont quitté le navire rose. Symboles du club, ils avaient conduit les Parisiens au bouclier de Brennus en 2015, et n’ont été remplacé que par des joueurs inexpérimentés.

Après huit défaites en dix matchs en ouverture du championnat, le manager sud-africain Heyneke Mayer démissionne après des gifles reçues à Lyon (43-9), Bordeaux (52-3), Castres (46-16) et une défaite face au rival Racingman (9-25). Nous ne sommes qu’en novembre et les joueurs ont plusieurs fois tirer la sonnette d’alarme, mécontents de leur coach. Meyer sort, Julien Arias et Laurent Sampéré arrivent pour former le duo de coach des rose et bleu. Premier pas vers un changement de cap « made in Paris ». Thomas Lombard devient directeur général et Fabrice Landreau revient lui aussi au club en tant que directeur sportif délégué. Des coachs au DG, tous ont fait les belles heures du Stade Français dans les années 2000. Repères du club légendaire, les quatre fantastiques avancent avec la même ambition : faire revenir la folie parisienne sur les terrains de rugby.

Le duo Arias-Sampéré sera-t-il conservé la saison prochaine ? ©Panoramic, Media365

Dans le marasme de la capitale, ces arrivées sont l’énorme point positif. Mais l’équipe reste la même. Changement d’organigramme ou pas, les Stadistes ont les pieds enfoncés dans la zone de relégation. Rayon de soleil à Lutèce, les Parisiens finissent la saison avec trois victoires et un match nul sur les sept derniers matchs. Dans une meilleure dynamique que ses concurrents du maintien. Le Stade Français ne possédait que trois points de retard sur le 12e, Pau à l’issue de la dernière journée de championnat. Toujours malades, les Parisiens commençaient à guérir, mais étaient constamment sous la menace d’une rechute.

Paris restait une équipe très fragile et nul doute que dans les bureaux rose et bleu, le soulagement était à la hauteur de la tension de cette saison. Avec neuf journées à disputer, quel aurait été le sort du club aux éclairs ? Quel destin si le Stade Français avait plongé en deuxième division ? Avec quatre mois de répit et en s’appuyant sur les anciens, le président Wild construit les fondations de ce qui devra être le Grand Paris, dans les années à venir.

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Pourquoi tout le monde déteste le Racing 92 ?

En Top 14, comme dans tous les championnats sportifs, chaque club a son étiquette. Castres ne sait pas jouer au rugby, Toulon n’a que des stars, La Rochelle est la « Belgique » du rugby dans sa tendance à rager, le Stade Français n’a plus d’âme… Bref ça ne fait plaisir à personne, mais ça fait rire tout le monde, même les Clermontois qui ont perdu quinze finales. Si tous les chemins mènent à Rome, toute la haine converge vers Nanterre et le Racing 92. Analyse de la purge, en ciel et blanc.

Il y a un temps pour perdre des neurones, un autre pour les garder. Petit point histoire-géographie. Depuis sa création en 1882, le Racing Club de France est basé dans la banlieue ouest de Paris, à Colombes dans les Hauts-de-Seine. Premier club français de l’histoire, il devient aussi le premier vainqueur du Bouclier de Brennus. Dès ses débuts, le club joue sur la réputation de son lieu de naissance. Le but affirmé de s’attacher une culture « noble », « élégante » cimente les premiers Racingmen, jusqu’à Teddy Thomas. La volonté de jouer depuis plus d’un siècle avec le même maillot Ciel et Blanc et d’être le club huppé de la région parisienne s’est ressentie et se ressent encore. Jamais avare de facéties, les arrières disputent une finale de championnat de France avec des nœuds-papillons rose (1987), quand l’équipe de 2016 se présente en costumes, avant le coup d’envoi de la finale face à Toulon. L’excentrique Racing cherche à s’élever au-dessus des guerres de clochers provinciales qui ravagent les pelouses du XXe siècle.

Mais la culture des Ciel et Blanc se transforme avec l’arrivée en 2006 de son président Jacky Lorenzetti. Depuis le début du XXIe siècle, le rugby se structure et se professionnalise à vitesse grand V. Sauf que le Metro Racing (nom à cette époque) n’est qu’en deuxième division. Avec l’arrivée de Lorenzetti, les gros moyens sont déployés pour remonter en trois ans. Déjà taillés pour le Top 14, le Racing Metro (deuxième changement de nom), survole la Pro D2 et retrouve l’Élite en 2009. Chabal, Nallet, Steyn débarquent dans un recrutement à la toulonnaise et permettent aux Franciliens de se qualifier pour la Coupe d’Europe. Depuis 2009, le club ne va cesser de grandir et de se métamorphoser. Avec la Paris-La Défense Arena (ou U Arena pour les puristes), Jacky Lorenzetti inaugure le premier « complexe de spectacle », du rugby français. L’ère du mythique Stade Yves-de-Manoir, hôte des Jeux olympiques de 1924, est finie, place à un nouvel outil technologique, vivement critiqué dans le monde de l’Ovalie.

Jacky Lorenzetti a fait du Racing 92 un club à part. Icon Sport

« Sans âme », « un hangar », « pelouse en plastique », les doux mots sont de sortie quand le Racing 92 (dernier changement de nom) accueille Toulouse et Clermont à la fin de l’année 2016. Pour certains, l’essence du rugby est morte : dans un stade fermé et un terrain synthétique, impossible de laisser les éléments de la nature influer le cours de la rencontre. Plus de vent, plus de froid, plus de terre, plus d’herbe, plus de pluie, plus de rayons de soleil, seuls les genoux morflent au contact du plastique vert. Chez le président Racingman, on ne se cache pas : le spectacle passe avant le rugby. Ironie du sort, un concert de Mylène Farmer empêche le club de disputer les barrages 2019 dans son écrin. Le match se tiendra au stade… Yves-du-Manoir, désenchanté, comme Mylène. Les sentiments des spectateurs visiteurs convergent vers un même constat : le manque cruel d’ambiance et d’engouement au sein de l’Arena. Si les spectateurs attentistes font de plus en plus leur place parmi les supporters bouillants dans le rugby moderne, le constat est malheureusement criant dans le 9-2. Les meilleurs refrains de Magic System s’échappent des grosses enceintes du complexe pour combler le manque d’âme et de ferveur autour des Ciel et Blanc.

Pourtant les résultats et les joueurs ne manquent pas. Sébastien Chabal (2009-12), Dan Carter (2015-18), Finn Russell, Virimi Vakatawa, Kurtley Beale (à partir de septembre 2020), ont appartenu à la maison ciel et blanche, mais rien n’y fait. A la cérémonie du bouclier du Brennus gagné en 2016, à peine cinq cent supporters se sont déplacés pour célébrer le titre au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine). Oubliez les marées humaines à Toulon, Castres, Toulouse ou Clermont. Rajoutez à cela quelques déclarations explicites de Jacky Lorenzetti : « l’intervention de mécènes sociaux comme à Clermont ou à Castres, qui ont créé des clubs pour distraire la ville : car que seraient Clermont et Castres sans leur club de rugby ? Le CO, l’ASM, ce sont les phares de la fin de semaine. » On a connu mieux en terme de com’.

Au détriment du rugby et par son appétit du spectacle, le Racing et ses dirigeants semblent avoir perdu « l’esprit Racing » et la noblesse de son équipe séculaire. Mais qu’importe de ne pas être aimé, tant que ça gagne, pour l’instant.

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HISTOIRE – Castres avait tout d’un grand

Imprévisible, comme d’habitude. Le Castres Olympique est comme un poil à gratter dont on arrive jamais à s’en débarrasser. Depuis une dizaine d’années, le club se félicite de sa réputation d’équipe rugueuse, guerrière, prête à un combat de tous les instants, agrémenté d’un zeste de vice. Année après année, les Castrais s’immiscent dans les engrenages des grosses machines toulousaines, clermontoises, toulonnaises etc. pour tenter de les faire dérailler. La saison 2017-2018 marque la parfaite illustration de cette introduction. Récit.

L’été 2017 tape sereinement à Castres. Au printemps, son équipe de rugby a, comme chaque année ou presque, assurée une place dans le Top 6, (5e), s’inclinant à Toulon (26-22) lors du barrage d’accession aux demi-finales. Peu de recrues à l’intersaison, encore moins de gros coups, Christophe Urios, entraîneur des bleu et blanc, parie sur la constance de son noyau dur. Depuis l’arrivée d’Urios en 2015, les dirigeants du CO prolongent la voie construite par les deux anciens entraîneurs (Laurent Labit et Laurent Travers) : la garantie de jouer en Enfer avec un gros collectif. Dixième budget du Top 14, le club n’a pas les moyens de s’offrir des stars quatre étoiles comme le fait son bruyant voisin toulousain. Si certaines équipes peinent à trouver leur style de jeu, celui du CO est huilé à la perfection depuis des années.

Une idée du collectif poussée à l’extrême, une défense infernale, du combat sur chaque ballon et un mental d’acier. Rajoutez à cela un entraîneur sortant du même moule, quelques leaders charismatiques roublards et vous obtenez la recette du Castres Olympique. Critiquée par certains, elle n’est pas extravagante ni spectaculaire. Mais elle vous assure l’essentiel, de quoi tenir au corps et résister.

La saison 2017-2018 démarre mal pour les Tarnais avec cinq défaites en sept matchs dont une à la maison face à Montpellier (17-22). Castres, le petit, commence déjà à se noyer. Mais la bande d’Urios remonte vite à la surface face aux grands du championnat. Clermont, La Rochelle, Toulouse, Toulon ne trouveront aucune solution face au rebelle tarnais. Sept victoires d’affilée. Mais par manque de constance, le CO fera le yo-yo entre la 3e et la 8e place durant toute la seconde moitié du championnat, gâchée par des défaites face à Brive, Agen, Pau, normalement à sa portée. Peu importe, le monde du Top 14 est toujours en alerte face au piège bleu et blanc, affamé de gros coups comme celui de gâcher le Réveillon à Clermont (victoire 27-31) le 31 décembre 2017. Gueule de bois au Michelin. L’inconstance stresse toujours plus le stade Pierre-Fabre, fief du CO, dont le public regarde avec anxiété le classement à cinq journées de la fin : 8e derrière le Stade rochelais, Lyon* et Pau.

Sur le papier, l’expérience est castraise, habituée des fins de championnat sous tension de qualification en barrages. Les bleu et blanc plantent quarante points à Toulouse (31-41), refroidissent le bouillant stade Marcel-Deflandre de La Rochelle (18-26) et anéantissent Oyonnax (54-3) en clôture de championnat. Une équipe de gros coups, on vous dit. Le LOU* assure, mais la Section paloise craque, Castres arrache la sixième place, l’école n’est pas finie.

Révélation de la saison, l’arrière Julien Dumora inscrira 11 essais lors de la saison 2017-2018. Icon Sport

Le CO affronte le 3e, le Stade toulousain, dans son antre. Paradoxalement, les grimaces ternissent le visage des rouge et noir, tant on se méfie du voisin bleu et blanc. Les castrais savent qu’ils peuvent encore faire un coup. Le décor est parfait. Et dès la dixième minute, l’ailier Armand Battle profite d’une maladresse toulousaine après une touche et inscrit le premier essai. Grimace confirmée dans la ville rose, Castres prend les commandes et ne les lâchera plus. Toulouse revient à 13-6 à la mi-temps mais commet trop de fautes de main pour espérer rejoindre le Racing en demi-finales. 44e minute, sortie des vestiaires, en-avant toulousain à 10 mètres de leur en-but, le CO récupère et c’est encore Battle qui passe dans un trou de souris. 20-6, Toulouse est K.O. Après un essai de Ghiraldini pour les stadistes, et un carton rouge du talonneur castrais Jenneker à l’heure de jeu, l’espoir est de nouveau permis. Mais Castres est plus fort, plus agressif, plus affamé, défend mieux, 11-23 score final. Exploit à la sauce tarnaise, le club retrouve les demi-finales quatre ans après sa dernière participation.

Un autre géant du Top 14 est au menu des hommes d’Urios, le Racing 92. Favori logique, les ciel et blanc ont fini 2e du championnat. Entraînés par le duo Travers-Labit (ex-CO), les Franciliens savent à quoi s’attendre. 8e minute, essai en force du numéro 8 castrais Vaipulu, 7-0, le Racing n’est pas réveillé. Puis 10-0 au terme du premier quart d’heure, après une pénalité de Benjamin Urdapilleta. Le moment choisi par les ciel et blanc d’accélérer et d’assommer le CO à la 19e et 25e minute, par deux essais de Juan Imhoff et Louis Dupichot. 14-10, si le Racing veut aller en finale il sait qu’il doit en jouer au large et convertir chaque occasion, comme ses deux essais. Car à Castres, chaque faute est punissable par l’un des buteurs, Rory Kockott ou Urdapilleta. En fin de première mi-temps les Racingmen se mettent à la faute et permettent à l’Argentin de passer deux pénalités. 14-16, fin du premier acte. Sauf qu’en deuxième mi-temps, l’un et l’autre manquent deux pénalités, laissant le Racing en position de chasseur. Le CO croit alors être chassé lorsque Teddy Iribaren s’échappe et aplatit sous le nez castrais. Arbitrage vidéo, en-avant de passe, essai refusé, Castres respire. L’orage est passé quand Urdapilleta retrouve la mire et donne cinq points d’avance à son équipe à la 63e minute. Il reste un gros quart d’heure, les Franciliens assiègent la moitié de terrain castraise. Suite à un plaquage haut, l’arrière du CO Julien Dumora sort sur carton jaune jusqu’à la 75e minute. Il reste cinq mètres au Racing pour marquer et passer devant, cinq mètres à jamais infranchissables. La bande d’Urios se jette dans les jambes adverses comme des morts de faim, résistent en mêlée par des fautes intelligentes, et ne cède rien. Les Racingmen foncent dans un mur à chaque sortie de balle. Sur un dernier en-avant francilien dans les quinze derniers mètres, le match se termine, Castres, héroïque, est en finale. Le capitaine Mathieu Babillot fond en larmes laissant couler toute l’intensité de cette demi-finale sur son visage.

Rory Kockott et sa bande mettent le Racing à terre. Le CO disputera sa première finale depuis 2014. © Max PPP

Au Stade de France, les Tarnais retrouvent Montpellier, leader incontesté du Top 14 qui a foudroyé Lyon en demi-finales (40-14). Le MHR est plus en forme que jamais, et n’a pas eu à livrer une féroce bataille pour la qualification, le barrage, et la demi-finale. Castres n’a rien à perdre et tout à gagner. Vous le voyez venir ? Après des rounds de pénalités de chaque côté en première mi-temps, c’est Urdapilleta qui permet à son équipe de prendre six points d’avance à la trentième minute (12-6). Montpellier est amorphe, déjoue complètement, alors que son adversaire est libéré. A trois minutes de ma mi-temps, une touche héraultaise mal assurée envoie le ballon hors des limites du terrain, mêlée à cinq mètres pour le CO. Plusieurs minutes s’écoulent sans que les castrais ne parviennent à trouver l’ouverture. Mais une minute avant la mi-temps, le centre Thomas Combezou décale Julien Dumora. L’arrière slalom la défense montpelliéraine et aplatit en coin, 19-6 à la mi-temps. Logique. Au retour des vestiaires, le MHR ne peut pas moins bien jouer, tant ils ont paru décontenancé lors du premier acte. Parole tenue, après un carton jaune reçu par le deuxième ligne castrais Loïc Jacquet, les Héraultais enfoncent la mêlée castraise et marquent, 13-19 à la 55e minute. Tout est relancé. Ou pas. Comme face au Racing, le CO ne laisse rien à l’ogre montpelliérain, Urdapilleta, parfait dans son rôle de buteur met son équipe à l’abri à la 62e minute après une pénalité, 13-22. Les stars et colosses héraultais sont ailleurs, ni Juan Piennar, ni Nemani Nadolo, ni François Steyn ne sonnent la révolte. Et à la 76e minute, le MHR est transpercé de tous les côtés, Sitiveni Mafi marque en force au pied des poteaux, 13-29. Le peuple castrais reverra pour la cinquième fois le bouclier de Brennus dans sa ville.

Le centre Thomas Combezou explose devant François Steyn, impuissant face à la défaite de son club.

Dans une saison typiquement « castraise », le CO a déjoué toutes les probabilités. Avec les explosions de Julien Dumora, et du troisième ligne Maama Vaipulu, Christophe Urios a pu s’appuyer sur ses individualités au meilleur des moments, derrière un collectif sans commune mesure.

Un à un, les grands sont tombés, incapables de répondre au défi physique imposé par le 6e du championnat. Mais cette saison-là, Castres les a fait redoubler.

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LEXIQUE – Itinéraire des Quinze postes

Il y a des sports où les postes donnés sont instinctivement reconnaissables : au foot, ceux qui sont derrière sont défenseurs, devant, les attaquants, et au milieu… les milieux. Facile. Trop facile là encore pour notre sport vénéré, le Rugby. Noms trop compliqués, abstraits, « tous attaquants et défenseurs », certains joueurs ont même plusieurs postes ! Un Enfer. Pour tenter d’apaiser votre agacement lorsque vous ne comprenez rien à tel ou tel poste (cela prouve que vous êtes humain) durant un match, voici une tentative de vous simplifier la vie.

Au rugby, comme au basket, chaque poste est attribué en fonction de plusieurs critères physiques (poids, taille, vitesse, puissance…) souvent inaltérables. Pour vulgariser, on ne verra jamais un joueur de 80kg rentrer dans la mêlée avec les «gros», ce serait suicidaire. Justement, commençons par ces joueurs, qui composent le « huit de devant ». Première expression, le « huit de devant » fait référence aux huit premiers joueurs, du numéro 1 au 8. Appelés les avants, ce sont les plus costauds, ceux qui sont « au front », qui plaquent le plus souvent et forment la mêlée. (photo ci-dessous)

Dans ce grand huit, tous n’ont pas le même poste. Ce serait bien évidemment trop simple. Les avants sont divisés en 3 lignes : première, deuxième et troisième ligne.

  • Première ligne (1,2,3) : composée de deux piliers et un talonneur. Tous les trois, sont les premiers joueurs à être en mêlée. Ils poussent aussi fort que possible pour prendre l’avantage dans cette épreuve de force. Dans le jeu, ils doivent aussi protéger le ballon, lorsqu’un de leurs coéquipiers tombe au sol après un plaquage adverse. A l’inverse en défense, ils « agressent » le ballon au sol pour justement le récupérer. En mêlée, le pilier gauche (1) et le pilier droit (3) se doivent de protéger le talonneur (2). Le talonneur est au milieu des deux piliers et a pour rôle de « talonner » le ballon avec son pied, lors d’une mêlée, pour ne pas perdre le ballon. La deuxième mission du talonneur, est de lancer les touches.

Exemples de piliers gauche (1): Cyril Baille, Jefferson Poirot, Joe Marler

Exemples de talonneurs (2): Guilhem Guirado, Benjamin Kayser (retraité), Dimitri Szarzewski (retraité)

Exemples de piliers droit (3): Davit Zirakashvili, Rabah Slimani, Mohamed Haouas

  • Deuxième ligne (4,5): ce sont en général les plus grands joueurs de l’équipe en terme de taille. Ils utilisent ainsi cet avantage pour sauter en touche (soulevés par les piliers) et récupérer le ballon en hauteur. Ils ont les mêmes mission de «protection et d’agression» du ballon, que les piliers, dans le jeu courant. Gros plaqueurs, mais peu souvent en possession du ballon, ils sont considérés comme des «soldats de l’ombre», même si le rugby moderne favorise leur mobilité et leur puissance. Il leur est aujourd’hui beaucoup plus demandé d’être agile de leurs mains et faire « vivre le ballon ». En mêlée, les deuxièmes lignes sont surnommés les « poutres » des piliers. Leur mission est de soutenir l’effort de ces derniers, en « calant » leurs épaules entre les piliers et le talonneur.

Exemples de deuxièmes ligne : Bakkies Botha (retraité), Sébastien Vahaamahina, Ali Williams (retraité)

  • Troisième ligne (6,7,8): ce sont les derniers chaînons du huit de devant. Le 6 et le 7 sont des troisièmes lignes aile, appelés aussi flankers en anglais, en raison de leur position en mêlée, à gauche ou à droite, des deuxièmes lignes. Dans le jeu, leur mobilité et leur puissance leur permettent d’être les plus gros plaqueurs d’un match en général. Leurs profils peuvent varier, un atout pour les équipes actuelles qui font couramment le choix d’un flanker surpuissant, et d’un autre plus agile et habile, capable de sauter en touche. Si des divergences apparaissent, leur mission reste la même : plaquer à tour de bras, protéger et agresser le ballon, et perforer les défenses. En mêlée, ils soutiennent la partie vacante des piliers et sont souvent décisifs pour orienter la mêlée, sur un côté choisi. (photo ci-joint)

Dernier avant, le troisième ligne centre (8) est souvent un joueur expérimenté. Comme ses camarades avants, il est un gros plaqueur et doit être assez puissant et rapide pour mettre son équipe dans l’avancée. En mêlée, il soutient les deuxièmes lignes et donne les consignes pour orienter la mêlée, soit vers la droite, la gauche, ou pousser en restant dans l’axe. Enfin, il contrôle le ballon avec ses pieds et peut s’en saisir, ou le donner au numéro 9, le demi de mêlée.

Exemples de troisièmes lignes aile (6,7): Thierry Dusautoir (retraité), Arthur Iturria, Richie McCaw (retraité), Julien Bonnaire (retraité)

Exemples de troisièmes lignes centre (8): Sébastien Chabal (retraité), Fritz Lee, Louis Picamoles

La session du huit de devant est finie. Et vous l’aurez compris, s’il y a des avants c’est qu’il y a forcément des arrières, couvrant le reste du terrain. Plus rapides, marqueurs d’essais réguliers, buteurs, la majorité des stars du rugby mondial sont des arrières. Chasseurs d’essais autant que chercheurs des lumières, le physique de ces derniers a radicalement évolué, au point que certains se payent des mensurations d’avants. Deuxième partie.

Lailier néo-zélandais Jonah Lomu tente de se défaire de deux défenseurs français, lors de la Coupe du monde 1999.
  • Demi de mêlée (9) : «Demi» car il fait le lien entre les avants et les arrières. Il envoie le jeu après une touche, un regroupement et une mêlée. «De mêlée» car c’est lui qui introduit le ballon dans cette dernière et peut ensuite éjecter au large. Avec le numéro 10, ce sont les cerveaux de l’équipe, ceux qui dictent le tempo, choisissant de jouer au pied, d’écarter, de rester avec les «gros» etc. Le 9 moderne doit avoir un jeu au pied précis, être rapide, pour arriver à chaque regroupement, et avoir une capacité à alterner passes courtes/longues à gauche/droite et avoir la confiance de son pack d’avants. Enfin, un très bon demi de mêlée se doit d’être rusé, d’avoir du vice et de surprendre son adversaire.

Exemples de demis de mêlée: Morgan Parra, Rory Kockott, Antoine Dupont

  • Demi d’ouverture (10): comme au football, le numéro 10 est celui qui organise le jeu, il a un peu le rôle d’un Zidane du rugby. Assez proche de son demi de mêlée et donc des avants, il peut «ouvrir» et passer le ballon aux arrières, conserver le ballon, ou bien taper au pied. Comme les numéros 9, une solide technique de passe et de pied est presque vitale pour un numéro 10. C’est en général lui qui se charge de tirer les pénalités, transformations et drops en cours de match. En défense, il est le plus exposé et souvent visé par les joueurs adverses, par son poste de « premier défenseur » après une touche ou une mêlée.

La paire de «demis» forme la charnière. Faisant le lien avants-arrières, si elle est mise sous pression ou en difficulté, le ballon ne peut pas être transmis aux arrières, ou transmis dans de mauvaises conditions. C’est en ce sens, que ces deux postes sont « charnière ».

Exemple de demis d’ouverture: Johnny Wilkinson (retraité) Romain Ntamack, Camille Lopez

  • Centres ou trois-quarts centre (12,13) : comme leur nom l’indique, ils sont en général positionnés au milieu du terrain, et reçoivent les ballons de leur demi d’ouverture. En 20 ans ce poste est sans conteste, celui qui a le plus muté, en passant de petits gabarits véloces à des athlètes surpuissants de vitesse et de force. Leur rôle est de perforer les défenses et/ou de transmettre le ballon aux ailiers. En défense, les centres ont la tâche primordiale de contenir les assauts adverses. Car si le milieu du terrain explose, cela offre à l’équipe une occasion d’essai immédiate. Enfin, ils sont parmi les plus exposés aux blessures en raison des contacts à pleine vitesse qu’ils subissent.

On parle de trois-quarts centre en référence à la division originelle du terrain en huit lignes : les avants constituaient les trois premières lignes, les « demis » constituaient les quatrième et cinquième, d’où la notion de demi (4/8), puis venaient les « trois-quarts » (6/8).

Exemples de centres: Wesley Fofana, Mathieu Bastareaud, Matt Giteau (retraité)

  • Ailiers ou trois-quarts aile (11,14): ce sont les joueurs les plus excentrés sur le terrain, en général placés au bord de la ligne de touche. Chasseurs d’essais, les ailiers n’ont qu’un but, finir les actions et marquer dans l’en-but adverse. Comme les centres, leurs capacités physiques ont sérieusement augmenté au fil des décennies, tout en restant les joueurs les plus rapides sur le terrain. Le bon ailier sait toujours bien se placer pour être en position de marquer et connaît les moments où il doit aller au centre du terrain ou au contraire rester en attente dans sa zone, tel un félin prêt à bondir sur chaque ballon. « Fusées, gazelles, éclair…» les surnoms ne manquent pas pour définir les meilleurs à ce poste.

Exemples d’ailiers: Vincent Clerc (retraité), Napolioni Nalaga (retraité), Damian Penaud, Teddy Thomas

  • L’arrière (15): fullback, en anglais, dure de trouver plus explicite n’est-ce pas ? Pour ceux qui ont du mal avec la langue de Shakespeare, l’arrière couvre la moitié de terrain de son équipe, et comble les trous en cas de déséquilibre en attaque comme en défense. Il est à la relance lorsque l’équipe adverse tape un coup de pied long et est souvent la cible des chandelles (coup de pied très haut mettant beaucoup de pression au receveur, en lutte avec un joueur adverse pour récupérer le ballon). Souvent comparé au « dernier rempart », l’arrière est un poste très stratégique, marqué par la plus grande diversité de profils physiques.

Exemples d’arrières: Nick Abendanon, Thomas Ramos, Maxime Médard

Vous le voyez, on aime simplifier les choses dans le monde de l’Ovalie, finalement.

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PORTRAIT – Gonzalo Canale, un diamant si discret

Le merveilleux monde de l’Ovalie nous offre sans arrêt des personnalités hautes en couleur. Le rugby, comme tous les sports, est un reflet sociologique de la société. Il y a des gros, des minces, des blonds, des bruns, des petits, des grands. Et puis il y a des excentriques, prétentieux, discrets, ternes. Bref, une multitude de joueurs à analyser.

Aujourd’hui, un air distingué d’Italie flotte sur le portrait du jour, celui de Gonzalo Canale, héros oublié.

Le garçon est né à Cordoba en Argentine, mais est obligé de faire des aller-retours avec l’Italie, pays dont il acquerra la nationalité définitive. A Trévise, voisine de Venise, Canale devient professionnel à 19 ans avec le club local, le Benetton Trévise, en 2001. En Vénétie, Gonzalo joue trois-quarts centre avec un profil qui lui ouvre en 2003 les portes de la sélection nationale. Perforateur de défenses, rapide sur les appuis, le nouveau centre de la Nazionale* est le futur du pays de de Vinci. Ses premières sélections à l’été 2003 l’amènent à la Coupe du monde. Les Italiens ne pèseront pas bien lourd, derrière le pays de Galles et les All Blacks, mais parviendront à arracher deux victoires face au Canada et au Tonga. Un premier succès pour le discret Gonzalo.

*surnom donné à la sélection nationale italienne.

L’aventure vénitienne se poursuit encore deux ans, mais l’enjeu est ailleurs. Canale dispute chaque année le Tournoi des Six Nations – dix au total- et s’installe au centre du terrain comme la pièce maîtresse du fond de jeu azzurri*. Son talent est bien supérieur au championnat italien. Il n’en fallait pas plus à Clermont, en perte de vitesse en 2005, pour recruter l’Italien. Gonzalo Canale change de dimension, le championnat de France l’attend. Il doit être l’un des fers de lance de l’attaque auvergnate, où les individualités peinent à percer. Déjà, une place de titulaire l’attend aux côtés de l’expérimenté Tony Marsh, international français, au club depuis 1999. A la fin de la saison 2005-2006, l’ASM finit dans le ventre mou (7e) du championnat, le moment pour le président de l’époque, René Fontès, de recruter le manager Vern Cotter.

*bleu en italien, l’équipe nationale d’Italie joue de cette couleur.

Gonzalo Canale aux côtés de Martin Castrogiovani (à gauche). Photo Fel/L’Equipe

Changement radical chez les jaune et bleu. Le nouveau boss néo-zélandais apporte rigueur, discipline et précision dans les fébriles rangs clermontois. Fini les comportements de starlettes, place aux soldats. Et ça paye. Le potentiel de Gonzalo Canale commence à être exploité à pleine capacité avec des lignes arrières retrouvées. A côté du tank Marsh, Canale bombarde le centre du terrain adverse et alterne passes longues « au large », comme l’exige Vern Cotter pour son équipe. Le train jaune et bleu est lancé, il remportera le Challenge Européen en 2007 face à Bath (22-16) et reviendra disputer les phases finales du Top 14, le même printemps. A l’époque, pas de barrages ni de place pour le 6e, les quatre premiers sont en demi-finales, point. Clermont affronte Toulouse, quoi de plus classique.

Les rouge et noir dominent le match, l’ASM souffre au début de la seconde mi-temps (7-15 à la 54e) . Puis le ballon arrive dans les mains de Canale au milieu du terrain, l’Italien fixe et met sur orbite Aurélien Rougerie, qui dansera avec les trois-quarts toulousains, avant de finir sous les lumières. Première demi-finale, première « passe décisive » pour Canale, qui ne pourra pas empêcher le Stade français de souffler le bouclier de Brennus sous le nez des clermontois en finale (23-18). Clap de fin pour Tony Marsh qui prend sa retraite les jours suivants, l’ASM doit trouver un nouveau compère à Gonzalo au centre. Bingo, le sud-africain Marius Joubert et ses 30 sélections arrivent en Auvergne. Le grand Marius (1m91) doit apporter puissance, vitesse et technique pour faire vivre le ballon et mettre Clermont dans l’avancée.

Pendant deux ans, la paire italo-sud-africaine va déferler sur les pelouses du championnat de France, tel le premier étage de lancement des fusées arrières jaune et bleu. Clermont est de nouveau un cador du championnat mais aussi un magnifique perdant, s’inclinant en finale en 2008 et 2009 face à Toulouse et Perpignan. Pour Canale aussi, il ne manque qu’un titre pour continuer la Dolce Vita. Car les années passent mais rien ne change en Italie. Gonzalo est le patron du centre de la Nazionale et terminera sa carrière avec quatre-vingt-six sélections, ponctuées par deux Coupes du monde en 2007 et 2011. « Serial loser », Clermont parvient encore à trouver le mental pour se qualifier en demi-finales du Top 14 face au Rugby club toulonnais, lors de la saison 2009-2010.

Oui mais voilà. La paire de centres qui tourne n’est plus Joubert-Canale, mais Rougerie-Joubert. Pour cette énième demie, l’Italien est effacé des titulaires, mais non moins décontenancé. Au bout de 80 minutes, le match doit choisir son vainqueur en prolongation. A la dernière minute du match, l’ailier fidjien Lovobalavu s’échappe le long de la ligne de touche, un essai transformé suffit aux Toulonnais pour aller en finale… Mais au bout du bout de ses doigts, Gonzalo Canale, rentré en toute fin de rencontre, cisaille l’ailier rouge et noir et le projette en touche. Succès assuré. Toujours discret et humble, c’est celui qui a rongé son frein durant presque toute la partie qui vient sauver Clermont. Deux semaines plus tard, l’ASM gagnera enfin sa première finale face à Perpignan, le 29 mai 2010.

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Sur le déclin, Gonzalo Canale accompagnera l’émergence d’un certain Wesley Fofana et restera au club jusqu’en 2012, bouclant cent vingt-cinq matchs joués pour Clermont. Lors de la cérémonie des départs au stade Marcel-Michelin, le public auvergnat applaudit avec fierté son « héros de 2010 », en pleurs après sept ans d’inoubliables moments. Au bord de l’océan Atlantique, le centre italien finira sa carrière tranquillement à La Rochelle, avec la certitude d’avoir accompli quelque chose de grand.

Ce n’était pas un excentrique ni un hâbleur, Canale, c’était le symbole de la discrétion efficace, marquée par une constance énorme. Quel diamant est plus précieux, dans un sport où la modestie est reine ?

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TOP 14 – « Le meilleur championnat du monde »

Absurde, risible, grotesque, ridicule… Depuis des années, on attribue le champ lexical du comique au rugby français, à la fois pour son équipe nationale et son championnat. Avec cette idée en tête, on oublie trop souvent à quel point les acteurs nationaux de l’Ovalie peuvent déborder d’imagination. En raison du Covid-19, la saison de Top 14 est suspendue depuis le 13 mars 2020. Alors que nombre d’entraîneurs et de présidents de club plaident pour une saison blanche, la LNR (Ligue Nationale de Rugby) et son président, Paul Goze, ont sorti de leur chapeau un tour qu’aucun n’aurait pu prédire.

Le 15 avril 2020, un communiqué de presse émane de la Ligue, dans lequel, deux « scénarios » sont envisagés :

Scénario 1 : les championnats 2019-20 reprendraient fin juin / début juillet directement sous forme de phases finales avec des finales de TOP 14 et PRO D2 au plus tard le 18 juillet.

Scénario 2 : les phases finales des championnats 2019-20 se dérouleraient – selon des modalités déterminées en fonction du nombre de dates disponibles – en août 2020, en amont du lancement de la saison 2020-21 qui débuterait dans la foulée fin août/début septembre.

(Source : communiqué du 15 avril 2020, Ligue Nationale de Rugby)

Le but à peine masqué de la décision de ces deux scénarios, est de renflouer les caisses de la LNR et celles des clubs. Sur le principe, rien de choquant. Depuis un mois, les finances des écuries françaises sont dans le rouge pour des raisons naturelles (absence de recette de billetterie, baisse des salaires forcée, pour ne citer qu’elles). Il a été question de disputer des barrages entre les clubs de la 5e à la 8e place pour qualifier deux clubs en Coupe d’Europe, puis de déterminer les huit premiers du championnat, directement « européens », ou encore un grand tournoi regroupant aussi les huit premiers, pour sacré un champion. Bref, une multitude de solutions envisagées, à part la plus logique, celle de la saison blanche. Logique, car les classements de Top 14 et de Pro D2 resteront inchangés, sans montée ni relégation. Mais organiser une fin de saison en faisant jouer coûte que coûte les lucratives phases finales, c’est prendre des risques volontairement élevés pour l’ensemble des acteurs.

Président de la Ligue, Paul Goze va devoir convaincre le microcosme de l’Ovalie dans les prochaines semaines. (Photo: LNR)

Les spectateurs auront-ils le cœur et le courage d’aller dans des stades de plus de 30 000 places pour aller voir un simulacre de phases finales ? Pas certain. Quid des joueurs ? Comment des équipes entières vont-elles pouvoir s’entraîner collectivement et surtout, retrouver une approche psychologique intégralement dédiée à la compétition ? Quid des nouvelles recrues ? Pourront-elles jouer sur la base de leur contrat (à partir du 1er juillet) ou attendre septembre ? Enfin, dans un championnat aussi serré, dans lequel La Rochelle (5e) n’est qu’à 5 points de Montpellier (8e), dans lequel il reste 8 journées, ultra décisives pour déterminer le fameux Top 6, comment est-il possible d’organiser des phases finales dans ce contexte ? Chaque journée, un chassé-croisé de positions s’organisait entre, Clermont, La Rochelle, Toulouse, Montpellier pour ne citer qu’eux. Et si à ce jour, le Stade rochelais et l’ASM sont 5 et 6e, on peut imaginer que les positions ne seraient pas restées figées jusqu’à la fin du championnat.

Une chose est sûre, la palme revient d’ores et déjà au scénario numéro 2. Commencer une saison une semaine après en avoir terminer une, c’est fort. La situation peut-elle empirer ? Si la Ligue était dirigée de manière professionnelle, non, évidemment. Personne ne sait ce qu’il va réellement se passer dans les semaines à venir, ni quel numéro de clown sera joué par la LNR. Alors oui, Bordeaux et Lyon, leaders incontestés de la saison régulière ont de quoi être frustré. Mais le pays ne tourne pas autour du rugby français, et encore moins autour des intérêts de ses dirigeants.

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HISTOIRE – La symphonie inachevée de Clermont

Le 18 mai 2013, le ciel tombe sur la tête des Clermontois. Inconsolables, effondrés, dévastés, les joueurs de l’ASM ont laissé échapper une Coupe d’Europe qui leur était destinée, jusqu’à quinze minutes du terme de la finale, face à Toulon. D’un point (15-16), les Varois exultent sur le podium en levant le titre européen suprême. Itinéraire d’une saison jaune et bleue récitée à la perfection, jusqu’au final.

Du récital achevé, on annonçait pourtant l’enfer assuré. Dès les poules, Clermont se retrouve avec le double tenant en titre, les Irlandais du Leinster. Massif. Accompagnés par les prometteurs anglais d’Exeter, et les expérimentés gallois de Llanelli, aucun faux pas ne sera admis pour entrevoir les quarts de finale. Objectif annoncé et parole tenue. A la maison devant Llanelli (49-16), et à Exeter (12-46), l’ASM frappe fort d’entrée en prenant la tête du groupe, sans contestation. Le chef d’orchestre Vern Cotter, manager de l’équipe, veut produire toujours plus de jeu et laisser les virtuoses, Morgan Parra et Brock James, lancer les flèches Nalaga et Sivivatu en terre promise. En Irlande, le Leinster assure lui deux succès, certes moins probants, mais annonciateurs d’une poule en attente de son choc de titans. Car après seulement deux journées, les Scarlets de Llanelli et les Chiefs d’Exeter sont hors-course.

Clermont-Leinster, Leinster-Clermont : la saison se joue déjà ici, au milieu du mois de décembre 2012. Premier acte, victoire jaune et bleue (15-12) dans l’infernal Stade Marcel-Michelin. Par un pragmatisme froid et clinique, l’ASM prend sa revanche sur la terrible demi-finale perdue face à ces mêmes Leinstermen (15-19), au printemps de la même année. Mais chacun sait que le deuxième acte sera plus rude, plus intense et plus décisif à l’Aviva Stadium. Un antre à la forme d’une vague prête à déferler sur quiconque oserait perturber le chant assourdissant des supporters irlandais. Devant presque 50 000 spectateurs en fusion, les vagues déferleront oui, mais elles seront clermontoises. Plus libérés, les Jaunards vont réaliser le match parfait. Défense anesthésiante, mêlée digne du Monstre à seize pattes*, sur fond de précision chirurgicale. A lui seul, Morgan Parra a rentré 23 points au pied, en haranguant ses gros, face, littéralement, au pack de la sélection irlandaise. Le jeune Raphaël Chaume concassait la mêlée des Blues, pendant que les lignes arrières clermontoises confisquaient le ballon et se déchaînaient avec un engagement héroïque. Si l’ASM ne marquera qu’un essai par Wesley Fofana, à bout de bras, elle ne rendra jamais son match référence et fera tomber l’ogre bleu, 21-28. En changeant d’approche pour vaincre les Irlandais, les hommes de Cotter prouvent surtout qu’ils ont grandi, en s’adaptant perpétuellement à leur adversaire, symboles des grandes équipes.

Avec 18 points au terme des quatre premiers matchs, le trou est fait, il ne reste qu’à assurer un quart de finale à domicile. En patron, Clermont mène la danse et termine invaincu de la phase de poules en balayant Exeter (46-3) puis Llanelli (0-29). Le Leinster ne verra pas les phases finales.

Le printemps arrive, annonçant les débuts des matchs couperets pour le Graal européen. Pour son premier quart à domicile, l’ASM reçoit Montpellier, qualifié in extremis. Dans une ambiance plus volcanique que jamais, Clermont continuer de jouer ses gammes. Tels des musiciens transcendés par leur morceau, les lignes arrières clermontoises se baladent au milieu des montpelliérains, encore un peu tendres pour ce niveau de compétition. Rougerie, Sivivatu, Fofana, Byrne, Nalaga, tous plantent un essai au terme d’un festival offensif. 36-14, Clermont peut rêver. En demi-finales, la bande à Rougerie « reçoit » à Montpellier un autre géant irlandais , le Munster, la deuxième moitié de l’équipe d’Irlande. Rempli de tension et d’intensité, Clermont prend vite les commandes par un essai de Nalaga et deux pénalités de Parra (13-3 à la mi-temps). Face à la Yellow Army, la Red Army est venue en nombre au Stade de la Mosson, poussant le Munster en deuxième mi-temps. Subissant les assauts rouge, l’ASM craque à la 60e minute sur un essai de Denis Hurley, après une beauté de coup de pied rasant de la légende Ronan O’Gara. 16-10 à cet instant, le souffle se fait de plus en plus court pour les supporters jaune et bleu. Mais là encore, au bout du crépuscule héraultais, les Munstermen se casseront les dents face à la défense impitoyable des Jaunards. 80e minute, mêlée rouge, pénalité pour les jaune et bleu, la messe est dite., 16-10. Clermont fait tomber une troisième fois un bout d’Irlande et s’envole au pays celte pour y disputer une finale fratricide contre Toulon.

L’ASM est favorite, son groupe est huilé à la perfection par le chef Cotter, pas de blessures, les artistes n’ont plus qu’à s’accorder. En face, le RCT de Bernard Laporte affiche une équipe légendaire : Bakkies Botha, Carl Hayman, Matt Giteau et évidemment le virtuose anglais Johnny Wilkinson. Depuis 2010 et une demi-finale de Top 14 mythique gagnée en prolongations par Clermont (35-29), Toulon s’est vengé en 2012 (12-15), et une singulière histoire est née entre les deux clubs. Polémiques arbitrales, interventions dans la presse, scores serrés, le « ASM-RCT » du 18 mai 2013 constitue le climax d’une rivalité exacerbée. A Dublin donc, la cinquième finale franco-française est d’une tension extrême durant quarante minutes, où seulement six points ont été marqués (3-3). Les deux novices, à ce stade de la compétition, ouvrent une véritable bataille de tranchées dans ce premier acte, aucun territoire n’est cédé. Puis Toulon céda. Les dix premières minutes du second acte envoient Napolioni Nalaga et Brock James en terre promise, 15-6 à la 49e minute. Clermont a lâché les chevaux et exploite chaque faiblesse toulonnaise. Le plus dur est fait, le RCT semble touché en plein cœur.

Puis Clermont explosa.

Alors que Toulon, presque sans solutions, est parvenu à revenir à 15-9, Wesley Fofana se fait piéger sur la ligne des vingt-deux mètres. L’Argentin Juan Martin Fernandez Lobbe lui arrache le ballon et envoie sur orbite Delon Armitage. L’Anglais, s’échappe de Brock James et plonge dans l’en-but clermontois. 63e minute, 15-16. La machine est enrayée, mais il reste un gros quart d’heure pour reprendre aux Toulonnais la Coupe d’Europe. Les Clermontois lâchent tout, tentent tout, David Skrela se fait contrer sur un drop face aux perches, mais Toulon finit fort et gagne par sa défense héroïque, au terme d’une finale épique. 81e minute, une mauvaise passe anéantit l’espoir jaune et bleu, ballon en touche, Toulon est sacré.

L’ouvreur australien Brock Jamaes ne peut que regarder Delon Armitage et Toulon passer devant.

Chez les spécialistes comme chez les supporters, beaucoup s’accorderont à dire que Clermont a joué la meilleure finale possible jusqu’à la 63e minute. Beaucoup s’accorderont à dire que cette année-là, l’ASM n’avait jamais disposé d’un groupe aussi étoilé sur une saison. Mais ce jour-là, une mauvaise note a gâché la symphonie jaune et bleue.

*expression de Roger Couderc pour désigner le surpuissant pack montferrandais des années 1970.

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