Absurde, risible, grotesque, ridicule… Depuis des années, on attribue le champ lexical du comique au rugby français, à la fois pour son équipe nationale et son championnat. Avec cette idée en tête, on oublie trop souvent à quel point les acteurs nationaux de l’Ovalie peuvent déborder d’imagination. En raison du Covid-19, la saison de Top 14 est suspendue depuis le 13 mars 2020. Alors que nombre d’entraîneurs et de présidents de club plaident pour une saison blanche, la LNR (Ligue Nationale de Rugby) et son président, Paul Goze, ont sorti de leur chapeau un tour qu’aucun n’aurait pu prédire.
Le 15 avril 2020, un communiqué de presse émane de la Ligue, dans lequel, deux « scénarios » sont envisagés :
• Scénario 1 : les championnats 2019-20 reprendraient fin juin / début juillet directement sous forme de phases finales avec des finales de TOP 14 et PRO D2 au plus tard le 18 juillet.
• Scénario 2 : les phases finales des championnats 2019-20 se dérouleraient – selon des modalités déterminées en fonction du nombre de dates disponibles – en août 2020, en amont du lancement de la saison 2020-21 qui débuterait dans la foulée fin août/début septembre.
(Source : communiqué du 15 avril 2020, Ligue Nationale de Rugby)
Le but à peine masqué de la décision de ces deux scénarios, est de renflouer les caisses de la LNR et celles des clubs. Sur le principe, rien de choquant. Depuis un mois, les finances des écuries françaises sont dans le rouge pour des raisons naturelles (absence de recette de billetterie, baisse des salaires forcée, pour ne citer qu’elles). Il a été question de disputer des barrages entre les clubs de la 5e à la 8e place pour qualifier deux clubs en Coupe d’Europe, puis de déterminer les huit premiers du championnat, directement « européens », ou encore un grand tournoi regroupant aussi les huit premiers, pour sacré un champion. Bref, une multitude de solutions envisagées, à part la plus logique, celle de la saison blanche. Logique, car les classements de Top 14 et de Pro D2 resteront inchangés, sans montée ni relégation. Mais organiser une fin de saison en faisant jouer coûte que coûte les lucratives phases finales, c’est prendre des risques volontairement élevés pour l’ensemble des acteurs.

Les spectateurs auront-ils le cœur et le courage d’aller dans des stades de plus de 30 000 places pour aller voir un simulacre de phases finales ? Pas certain. Quid des joueurs ? Comment des équipes entières vont-elles pouvoir s’entraîner collectivement et surtout, retrouver une approche psychologique intégralement dédiée à la compétition ? Quid des nouvelles recrues ? Pourront-elles jouer sur la base de leur contrat (à partir du 1er juillet) ou attendre septembre ? Enfin, dans un championnat aussi serré, dans lequel La Rochelle (5e) n’est qu’à 5 points de Montpellier (8e), dans lequel il reste 8 journées, ultra décisives pour déterminer le fameux Top 6, comment est-il possible d’organiser des phases finales dans ce contexte ? Chaque journée, un chassé-croisé de positions s’organisait entre, Clermont, La Rochelle, Toulouse, Montpellier pour ne citer qu’eux. Et si à ce jour, le Stade rochelais et l’ASM sont 5 et 6e, on peut imaginer que les positions ne seraient pas restées figées jusqu’à la fin du championnat.
Une chose est sûre, la palme revient d’ores et déjà au scénario numéro 2. Commencer une saison une semaine après en avoir terminer une, c’est fort. La situation peut-elle empirer ? Si la Ligue était dirigée de manière professionnelle, non, évidemment. Personne ne sait ce qu’il va réellement se passer dans les semaines à venir, ni quel numéro de clown sera joué par la LNR. Alors oui, Bordeaux et Lyon, leaders incontestés de la saison régulière ont de quoi être frustré. Mais le pays ne tourne pas autour du rugby français, et encore moins autour des intérêts de ses dirigeants.